
Il parait que la France est la
patrie des droits de l'homme. Avec l'état d'urgence en voie de
constitutionnalisation, elle est surtout devenue la patrie du non
droit et des bavures policières. Aujourd'hui, plus qu'hier, les
violences policières sont de plus en plus nombreuses et toujours
aussi peu sanctionnées, preuve s'il en fallait qu'elles sont bien
le fruit d'un système et non le fait de quelques fonctionnaires
ultra violents. Il est 06.30 ce matin du 24 mars lorsque des
élèves du lycée Bergson à Paris placent des poubelles devant leur
établissement afin de protester contre la nouvelle loi travail que
veut leur imposer le gouvernement. Vers 09.30, des policiers en
civil arrivent, puis d'autres, casqués, armés de boucliers et de
gazeuses. Des jeunes jettent de la farine et des oeufs dans leur
direction, la riposte est immédiate et totalement disproportionnée:
gaz lacrymogène, interpellations et violences. Un témoin raconte:
" Les policiers ont chargé, ils ont commencé à distribuer des
coups de matraque et des balayettes, puis ont tiré des gaz
lacrymogènes. Nous sommes tous partis vers l'avenue Bolivar".
Un peu plus loin, un lycéen est violemment interpellé par
des policiers
: "Ils l'ont rattrapé, ils lui ont fait une
balayette, il est tombé au sol et ils l'ont gazé, avant de lui
mettre des coups de pied". Un autre lycéen de 15 ans, noir, est
mis au sol par 3 policiers qui lui hurlent dessus:
"lève-toi,
lève-toi". Le jeune homme se relève. Il est tenu par les
policiers et n'oppose aucune résistance. Le même policier qui lui
ordonnait de se relever lui assène alors un très violent coup de
poing en plein visage qui le renverse. Sa tête heurte lourdement le
sol. Un autre lycéen filme la scène sur son téléphone puis
la met en ligne (1). Elle devient virale et, une fois n'est pas
coutume, la totalité des médias français relatent les faits.
Une impunité quasi systématique des policiers Le soir même,
Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur ne condamne pas les
agissements policiers et se déclare simplement
"choqué" par
les images. Il précise que l'IGPN est saisie et qu'une enquête
administrative est en cours. Le policier responsable lui, n'est
même pas suspendu. L'IGPN... L'Inspection Générale de la Police
Nationale... Des policiers qui enquêtent sur d'autres policiers. Un
peu comme si on demandait à Cahuzac de lutter contre la fraude
fiscale. Une vaste rigolade. Rien que pour l'année 2104, l'IGPN a
traité 876 enquêtes contre des fonctionnaires de police, dont la
moitié pour des accusations de violences policières. Il y a
exactement une semaine, l'Organisation Non Gouvernementale ACAT
(Action des Chrétiens pour l'Abolition de la Torture) publiait une
enquête sur 89 cas de bavures policières entre 2005 et 2015. (2)
Sur les 89 cas étudiés par l'ACAT se trouvent 26 décès et 29
blessures irréversibles. Dans 80% des cas, les policiers
responsables ne sont pas condamnés !!! Ce rapport précise: "
Aujourd’hui, les forces de l’ordre françaises jouissent d’une
relative impunité lorsqu’elles sont responsables de violences qui
violent les principes de proportionnalité et de nécessité. »
Le mécanisme policier pour couvrir les bavures est bien
huilé. Généralement les fonctionnaires mis en cause portent plainte
contre leurs victimes pour outrage et rébellion après s'être
procuré des certificats médicaux avec des interruption temporaire
de travail. Le tout assaisonné d'une demande de dommages et
intérêts pour le préjudice subit. Que vaut la parole d'un simple
citoyen contre celle d'un fonctionnaire de l'état assermenté ?
Rien. Quand une simple plainte avec ITT ne suffit pas pour
retourner la situation, les policiers n'hésitent pas à rédiger de
faux procès-verbaux. A Aulnay-sous-bois en septembre 2010 par
exemple, des policiers avaient tenté de faire croire qu'un
automobiliste leur avait foncé dessus. Celui-ci risquait la cour
d'assise et une lourde peine criminelle pour un acte qu'il n'avait
jamais commis. (3) Plus récemment, un supporter de foot de
22 ans, étudiant en master de gestion, a été mutilé par un tir de
flashball au visage. La police, relayée par le procureur de la
République a oser affirmer que l'étudiant était tombé tout seul sur
un poteau... (4) Enfin, plus de 16 mois après la mort de
Rémi Fraisse, le militant écologiste de 21 ans tué par un gendarme
lors des protestations contre le barrage de Sivens, de nouveaux
témoins qui n'avaient jamais parlé aux autorités policières
chargées de l'enquête, apportent un nouvel élément capital. Quand
il a été tué, Rémi avait les bras en l'air et il criait
:
"arrêtez de tirer". L'enquête interne, confiée à l'équivalent
de l'IGPN chez les gendarmes a conclu un mois après les faits
qu'aucune
" faute professionnelle " n'avait été
commise par les gendarmes.
Et oui. Vous ne saviez pas ? Lancer une grenade sur un jeune qui a
les mains en l'air et le tuer, ce n'est pas une faute. Vous savez
maintenant. Et surtout toutes les forces de police et de
gendarmerie le savent. Continuez à tuer, vous ne risquez rien.
La jeunesse, priorité de Hollande... et de la police
Le 10 mars 2016, face à la montée de la colère des étudiants contre
la loi travail, François Hollande déclarait à propos de la
jeunesse:
" C’était ma priorité, elle ne changera pas.
Jusqu’à la fin du quinquennat, la jeunesse aura des ressources qui
seront dégagées pour elle. " Des ressources ? Quelles
ressources ? Avec un taux de chômage de 26% chez les moins de 25
ans, la France est un des pays d'Europe où la situation des jeunes
est la pire. A titre de comparaison, le taux de chômage chez les
jeunes est de 5% en Allemagne. Tu en veux des ressources ? Tiens,
en attendant prends cette droite et ferme là. Je t'en filerai moi
des ressources... Estime-toi heureux que je ne t'ai mis que mon
poing dans la gueule, tu as échappé au tir de flashball dans
l'oeil. Cette agression intolérable doit servir d'exemple.
Soit le policier n'a pas agit sur ordre et alors il doit être
immédiatement suspendu avant d'être licencié de la police pour
avoir salit son uniforme et sa profession en agissant comme un
voyou. Soit il a agit sur ordre, en suivant des consignes de
répression des mouvements étudiants et alors c'est le ministre
lui-même qui doit être viré comme un malpropre ainsi que tout ce
gouvernement qui veut interdire à la jeunesse de manifester son
opposition à une politique inefficace et dangereuse qui plonge le
pays dans le chaos. Le lendemain, vendredi 25 mars, des
lycéens se sont regroupés pour protester contre les violences
policières. Ils ont attaqué 2 commissariats. A force de protéger
systématiquement ses brebis galeuses, la police, la justice et la
République vont se couper définitivement d'une génération qui se
sent déjà largement abandonnée. Nul ne pourra alors prévoir ce qui
se passera avec des jeunes qui savent qu'aucune autre justice ne
leur sera rendue que celle qu'ils se feront eux-mêmes.
© Guillaume Bonnet AFP
(1)
https://www.youtube.com/watch?v=CBuzy2-B-T4
(2)
http://www.acatfrance.fr/rapport/l-ordre-et-la-force
(3)
http://www.lemonde.fr/societe/article/2011/11/04/juges-en-appel-les-sept-policiers-d-aulnay-sous-bois-se-rejettent-la-faute_1598962_3224.html
Alter Info l'Information Alternative
Source